JS Coutu

CYBER RENCONTRES

Par Jean-Sébastien Coutu, M.Sc.

Marre de dîner aux chandelles en solo? Nous sommes des millions sur le web et votre partenaire idéal surfe quelque part. - WMS, agence matrimoniale lyonnaise.

Christine ne jure que par Match.com, un méga-site de rencontre qui compte 100,000 abonnés payants. L'Américaine de 38 ans explique : "Je suis très douée pour me faire des amis dans la vie, mais pas pour la romance. Match.com c'est international, je peux tisser des liens et les entretenir quel que soit l'endroit où je suis". Les petites annonces des journaux? "Trop local, trop long" insiste-t-elle. Christine a payé 60$ pour son abonnement de 6 mois. Elle a enregistré son profil et indiqué ce qu'elle attendait du mari rêvé. Venus, le robot de Match.com, s'occupe ensuite d'entremettre les abonnés qui présentent des signes de compatibilité. Reste alors à titiller les affinités, s'échanger des photos et puis se rencontrer.

Malgré des succès mitigés jusqu'à maintenant, Christine ne renoncera pas, elle qui dit chercher un homme sérieux en quête lui aussi d'un amour durable. Chez Match.com, on se vante d'avoir aidé à boucler 200 mariages et contribué à la naissance de douze bébé en 1998 seulement.

La technologie au service de l'amour

"Quand la voiture a été inventée, les gens se sont empressés de l'utiliser pour avoir des relations sexuelles, explique la sexologue Isadora Alman. Le Net est aujourd'hui utilisé de la même manière". Elle poursuit : "Ce qui est sûr, c'est que ça inverse le sens habituel d'une relation. On commence par discuter avant de se rencontrer".

Justement, le médium sert les timides et les femmes apprécient l'anonymat du début. Même si le contact réel devient vite inévitable, le Web joue le rôle de préservatif de rencontre. Les premiers câlins se font donc via souris et modem interposés. Dans le cyberespace, pas d'haleine fétide, pas de cheveux en bataille, ni même la vérité. Hommes et femmes déjà engagés cachent la réalité de leur situation et entretiennent une relation pas tout à fait honnête au profit d'une sorte d'amour platonique.

"On s'est jamais vu dans la vraie vie, mais je l'aime". Annie, une Québécoise de 42 ans est follement amoureuse d'un Parisien. Seule ombre au tableau, elle est mariée. Depuis, elle vit chaque soir dans l'angoisse de l'adultère virtuel et craint que son mari ne la surprenne en flagrant délit, malgré la "pénombre de la chambre". Coincée entre ses deux mensonges (son amoureux virtuel ignore qu'elle est mariée), Annie est candidate à une peine d'amour qu'elle ne pourra partager avec personne.

Le grand arnaque

"Homme bien membré cherche belle femme, grosse poitrine, pour rencontres occasionnelles". De tels messages, il s'en écrit chaque jour des millions sur l'Internet. Embusqués dans tous les coins, les prédateurs sexuels sont aux aguets. Sur IRC (réseau de discussion en mode texte), les annonces de ce mauvais goût défilent jusqu'à l'overdose, jour et nuit, dans toutes les langues, dans toutes les couleurs. Il existe bien sûr des canaux dédiés à ce genre d'activité mais puisque les femmes les désertent, les mâles se retrouvent entre eux à remplir des écrans inutilement. Il semble même que les participants n'ont pas la finesse d'esprit de remarquer que dans la longue liste de pseudonymes, il n'en existe pas un seul au féminin. Qu'à cela ne tienne, ils poussent la ténacité jusqu'à programmer des messages intermittents et automatiques qui reparaissent toutes les 5 minutes. Las, plusieurs se déguisent finalement en femmes et s'offrent en pâture. Des fenêtres privées s'activent et des couples éphémères se forment le temps d'une partie de cybersexe.

Mais tout le monde n'est pas aussi maladroit. Des gigolos experts usent de tous les stratagèmes pour se rapprocher de leurs proies en douceurs. D'abord les photos, puis les mots doux en format .wav, les mp3 de musique romantique triés avec science, les gestes calculés à la webcam… Et même la page personnelle chez Geocities avec Cupidon en guise de fond d'écran sur laquelle on crie son amour. Moments intenses d'émotion brute, quoi. Ces hommes collectionnent ensuite leurs conquêtes et les gèrent comme un vrai cheptel qu'ils consomment avec méthode et patience, dépendamment du degré de maturation de chaque candidate.

Les sites de rencontre sont devenus un véritable marché de la chair fraîche qui tentent de faire croire aux abonnés qu'ils sont à deux clics de souris de l'amour de leur vie. Énormément de gens se laissent malheureusement prendre au jeu et deviennent des proies faciles. Des histoires qui se terminent souvent en tragédies de cœur silencieuses que les victimes n'ébruitent pas.

La cyberomance de consommation coûte cher aussi. Les sociétés de crédit comme Visa et MasterCard ont à gérer des tonnes de plaintes de clients arnaqués qui ont vu leur abonnement mensuel renouvelé sans leur consentement. Mais les plus belles histoires d'horreur proviennent de ces sites de mariage en ligne qui proposent des Natasha, Tatiana et autres belles slaves du Bloc de l'Est aux yeux magnifiques. Des femmes qui annoncent sans pudeur qu'elles cherchent un gentil mari américain ou canadien et qu'elles sont prêtes à accepter tous les caprices, pourvu qu'un homme les sorte de leur pays. Suffit donc de s'abonner au site entremetteur pour pouvoir envoyer un courriel à la femme de son choix dans le catalogue, photos aguichantes à l'appui. Après plusieurs mois de correspondance, l'abonné est même invité à venir lui rendre visite. Le site s'occupe de tout en faisant même office d'agence de voyage.

Mais comme l'ont démontré plusieurs reportages d'enquête depuis, derrière une telle organisation se cache une toute autre réalité. La quasi-totalité des femmes montrées poseraient pour une poignée de dollars et ne sauraient même pas à quoi servent vraiment leurs photos. Des femmes mariées, souvent, et avec des enfants, à qui on invente des propos farfelus. Leur correspondance est entretenue par des employés engagés à cette fin. Le quotidien Libération rapportait récemment que des milliers d'Ukrainiennes avaient été utilisées pour entretenir le canular. Et pour les braves qui osent encore faire le voyage, le cœur plein d'espoir… Ils sont chanceux s'ils ne sont pas carrément dépouillés par une bande de bandits, sitôt quitté l'aéroport.